2/01/2001

À PROPOS DU MOT D’ORDRE DE SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC (suite2)

À propos des conditions du mot d’ordre de séparation

Afin d’illustrer concrètement dans quelle conditions les communistes peuvent appuyer un mot d’ordre de séparation, il serait bon de se référer à un exemple historique concret. L’Irlande est un bon exemple parce qu’il est historiquement proche du cas du Québec, affrontant, du moins à une certaine époque, la même métropole impérialiste, l’Angleterre.

Le lecteur m’excusera de lui imposer une longue citation d’une lettre de Marx, mais l’exposé ne pourrait être plus clair:
« Des années d’étude de la question irlandaise m’ont amené à la conclusion que le coup décisif contre les classes au pouvoir (décisif pour le mouvement ouvrier all over the world [du monde entier]) ne peut être en Angleterre mais seulement en Irlande.
…Je vous résume ici les points essentiels
L’Irlande est la bulb-keel [citadelle] de l’aristocratie terrienne anglaise. L’exploitation de ce pays n’est pas seulement la source principale de ses richesses matérielles. Elle est sa plus grande force morale. L’aristocratie anglaise incarne in fact [en fait] la domination de l’Angleterre sur l’Irlande. Celle-ci lui sert par conséquent de grand moyen pour maintenir son pouvoir en Angleterre même.
D’autre part, si l’armée et la police anglaises quittaient demain l’Irlande, an agrarian révolution [une révolution agraire] y éclaterait aussitôt. Or la chute de l’aristocratie anglaise en Irlande conditionne et entraîne forcément sa chute en Angleterre. Cela créerait les conditions préalables d’une révolution prolétarienne en Angleterre. La suppression de l’aristocratie terrienne anglaise en Irlande est une opération infiniment plus facile qu’en Angleterre même, parce la question agraire a été jusqu’ici en Irlande la forme exclusive de la question sociale, parce que c’est une question d’existence, une question de vie ou de mort pour l’immense majorité du peuple irlandais et en même temps elle est inséparable de la question nationale. Ceci, sans compter que les Irlandais sont de caractère plus passionné et plus révolutionnaire que les Anglais.
Quant à la bourgeoisie anglaise, elle a d’abord le même intérêt que l’aristocratie à transformer l’Irlande en simple pâturage qui envoie à l’English market [marché anglais] de la viande et de la laine aux prix les plus bas possible. Elle est pareillement intéressée à réduire la population irlandaise par éviction [éviction] des fermiers et l’émigration forcée, à un nombre assez insignifiant pour permettre au capital anglais (capital de fermage) de fonctionner en toute «security» [sécurité] dans ce pays. …
Mais la bourgeoisie anglaise a des intérêts beaucoup plus importants encore dans l’économie actuelle de l’Irlande.
Grâce à la concentration croissante des fermes, l’Irlande livre constamment son surplus [de main-d’œuvre] au labour market [marché ouvrier] anglais et pèse ainsi sur les wages [salaires] et sur la situation matérielle et morale de la English working class [classe ouvrière anglaise].
Enfin l’essentiel. Tous les centres industriels et commerciaux d’Angleterre ont maintenant une classe ouvrière scindée en deux camps ennemis: proletarians [prolétaires] anglais et proletarians [prolétaires] irlandais. …
Cet antagonisme est entretenu artificiellement et attisé…par tous les moyens dont disposent les classes au pouvoir. Cet antagonisme constitue le secret de l’impuissance de la classe ouvrière anglaise, en dépit de sa bonne organisation. C’est aussi le secret de la puissance persistante de la classe capitaliste, qui s’en rend parfaitement compte.
…L’Angleterre, métropole du capital, puissance jusqu’ici dominante du marché mondial, est pour le moment le pays le plus important pour la révolution ouvrière et, de surcroît, le seul pays où les conditions matérielles de cette révolution soient parvenues à un certain degré de maturité. Aussi l’Association internationale des Travailleurs vise-t-elle avant tout à hâter la révolution sociale en Angleterre. Et le seul moyen d’y parvenir est de rendre l’Irlande indépendante.
… La tâche spéciale du Conseil Central à Londres est d’éveiller dans la classe ouvrière anglaise la conscience que l’émancipation nationale de l’Irlande n’est pas pour elle une question of abstract justice or humanitarian sentiment [question abstraite de justice et d’humanisme], mais the first condition of their own social emancipation [la première condition de sa propre émancipation sociale].
(Karl Marx, «Lettre à S. Meyer et A. Vogt, avril 1870», Marx et Engels, Correspondances, Moscou, Édition du Progrès, 1971, pp238-241)

Dans une autre lettre adressée à son ami le Docteur Ludwig Kugelman, Marx s’exprime ainsi:
«Je suis de plus en plus arrivé à la conviction - et il ne s’agit que d’inculquer cette idée à la classe ouvrière anglaise (je souligne, ndrl.) - qu’elle ne pourra jamais rien faire de décisif, ici en Angleterre, tant qu’elle ne rompra pas de façon la plus nette, dans sa politique irlandaise, avec la politique des classes dominantes; tant qu’elle ne fera pas, non seulement cause commune avec les Irlandais, mais encore tant qu’elle ne prendra pas l’initiative de dissoudre l’Union décidée en 1801 pour la remplacer par des liens fédéraux librement consentis.» (Karl Marx, «Lettre du 29 novembre 1869», Karl Marx, Jenny Marx, F. Engels, Lettres à Kugelman, Éditions sociales, 1971, pp. 133-134).

Quelles conclusions pouvons-nous tirer des exposés de Marx?

Ÿ L’Angleterre est à cette époque la plus grande puissance coloniale et impérialiste.
Ÿ L’Angleterre est non seulement un pays capitaliste développé, mais elle est aussi à cette époque le seul pays où les conditions matérielles d’une révolution socialiste existent vraiment.
Ÿ Au contraire, en Irlande, la révolution démocratique bourgeoise n’est pas complétée, justement à cause de la domination de l’Angleterre. La question sociale principale est la question agraire et la lutte contre l’aristocratie britannique qui domine le pays. Le rapport entre l’Irlande et l’Angleterre en est un de type colonial
Ÿ Il est particulièrement intéressant de noter que ce qui intéresse surtout Marx, c’est moins la lutte nationale de l’Irlande que les «intérêts de la lutte révolutionnaire du prolétariat de la nation oppressive, c’est-à-dire de l’Angleterre, contre le capitalisme» (Lénine, «Le prolétariat révolutionnaire et le droit des nations…», O.C., tome 21, p. 426).
Ÿ En fait, Marx est plus intéressé que le prolétariat anglais adopte une politique reconnaissant le droit à l’autodétermination de l’Irlande que par sa séparation de fait.
Ÿ Le soutien qu’il apporte à l’indépendance de l’Irlande, « dût-on, après la séparation, aboutir à une fédération», est exceptionnel et conditionnel: « Ennemi en principe du fédéralisme ( Marx est partisan du centralisme démocratique, ndlr.), Marx admet dans ce cas particulier la fédération, à la seule condition que l’émancipation de l’Irlande se fasse par la voie révolutionnaire et non réformiste, par un mouvement des masses populaires d’Irlande que soutiendrait la classe ouvrière d’Angleterre. Il ne peut faire de doute que seule une telle solution du problème historique aurait réellement favorisé les intérêts du prolétariat et accéléré le développement social. - Les choses ont tourné autrement.» (Lénine, «Du droit des nations à disposer d’elles-mêmes», O.C., tome 20, pp.466-467).

Peut-on comparer ce cas de l’Irlande avec le Québec? -Bien sûr. Les deux sont en fait tout à fait comparables… à l’époque où le Québec s’appelait le Bas-Canada. En réalité, la lutte et la situation en Irlande sont du même ordre que celles des Patriotes dans les provinces canadiennes en lutte contre la domination britannique en 1837-38: il s’agissait d’une révolution démocratique bourgeoise anti-coloniale; elle s’opposait et visait à affaiblir la principale puissance impérialiste de l’époque, l’Angleterre; comme en Irlande, elle s’attaquait aux privilèges de l’aristocratie foncière; les Patriotes empruntaient une voie révolutionnaire et souhaitaient proclamer la République… Mais là aussi les choses ont tourné autrement.

A cet égard, il est particulièrement intéressant de connaître les causes de la défaite des Patriotes de 1837-38:
« Par ailleurs, l’échec de l’insurrection est en partie attribuable au défaut de coordination entre l’action des réformistes du Haut-Canada (l’Ontario) et celle des Patriotes du Bas-Canada (le Québec). (Je souligne, ndlr.)
Enfin, la collusion entre le gouvernement américain et les autorités impériales britanniques contribua aussi à faire échouer l’insurrection populaire. (Le président Van Buren bloqua toute aide aux Patriotes sous la pression des esclavagistes du Sud qui craignaient de perdre le marché anglais de leur coton et des financiers du Nord liés aux capitaux anglais, ndlr.)
Mais si telles furent les causes immédiates de la défaite des révolutionnaires, il en est une autre, plus globale, qui réside dans le développement insuffisant du capitalisme industriel dans la colonie; et en conséquence, l’absence d’une classe ouvrière organisée. Certes, les travailleurs constituèrent un élément important de la lutte,…Mais ces ouvriers, qui commençaient tout juste à se grouper en syndicats (…) et à lutter pour obtenir des heures de travail plus courtes (…), n’avaient pas acquis une conscience politique qui en aurait fait une classe distincte et organisée. (Je souligne, ndlr.). Ils n’étaient donc pas en mesure de constituer une force autonome et de fournir des chefs à l’insurrection.» (S.B. Ryerson, «Capitalisme et confédération», Édition Parti-pris, 1978, p 115)

Au Canada comme en Irlande, les rebellions furent réprimées. Dans les deux cas, la souveraineté fut finalement acquise via une voie réformiste ou par de misérables tractations entre bourgeoisies, qui préservaient dans une large mesure et pour longtemps la position dominante de l’Angleterre. Finalement, ce ne sera qu’en 1931 que l’Irlande (sauf pour l’Irlande du Nord) comme le Canada (ce fut le cas aussi en même temps pour Terre-Neuve, l’Afrique du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande) obtiendront vraiment leur pleine autonomie politique de l’Angleterre, avec le statut de Westminster, à la condition de prêter serment d’allégeance à la Couronne britannique et de former le Commonwealth.

Ceci dit, si nous comparons l’Irlande aujourd’hui avec le Québec, les choses sont bien différentes. La domination coloniale est restée entière en Irlande du Nord, qui vit sous occupation militaire britannique. La situation au Québec est fort différente. Bien que non reconnue comme nation par le Canada, la bourgeoisie québécoise a pu y exploiter les pouvoirs dévolus aux provinces pour assurer son développement jusqu’au stade monopoliste notamment avec une politique d’état très interventionniste de soutien aux entreprises. Cette politique fut particulièrement mis en application avec la Révolution tranquille au début des années 60, et c’est ce qui fut appelée par la suite «le modèle québécois».

Le mouvement indépendantiste québécois dominé par la bourgeoisie n’a pas de caractère révolutionnaire et ne vise pas à soulever les masses. Au contraire, il est très réformiste. Il n’est pas non-plus anti-impérialiste et bien au contraire favorise une plus grande intégration avec la superpuissance impérialiste la plus belliqueuse dans le monde aujourd’hui. Dans ce sens, il est clair qu’il est contraire à l’intérêt général du prolétariat international.

L’origine du mouvement indépendantiste québécois

« L’indépendance est du reste dans la ligne de l’histoire du Canada français: préparée par la Confédération puis par l’établissement de l’autonomie provinciale, elle représente l’aboutissement normal de l’évolution historique du Canada français.» (Manifeste du RIN, octobre 1960).

Cette déclaration corrobore ce que j’ai écrit plus haut: bien que les indépendantistes la trouvent insuffisante, la large autonomie dont la bourgeoisie québécoise jouissait au sein de la fédération canadienne, lui a permit de se développer, d’atteindre un stade impérialiste et de dominer la nation québécoise.

A la fin de la deuxième guerre mondiale, effrayé par la victoire de l’URSS et la montée du mouvement communiste, le gouvernement fédéral prit l’initiative de mettre en place ce qui fut appelé ensuite l’État-providence. Pour ce faire, le gouvernement fédéral devait intervenir de façon accrue dans des champs de compétence réservés par l’Acte de l’Amérique du Nord britannique aux provinces. Cela provoqua de la part du gouvernement du Québec dont le chef était Duplessis, une réaction qui fut appelée l’autonomie provinciale, consistant à refuser les argents fédéraux et à mettre sur pied un impôt provincial.

Mais la victoire de l’URSS venait en quelque sorte couronner une longue lutte que la classe ouvrière canadienne avait mené sous la direction du Parti communiste du Canada durant la crise des années 30 pour la mise sur pied de l’« État-providence ». Dès 1929, le PCC entreprit de faire signer une pétition à travers le pays réclamant du gouvernement fédéral des mesures préfigurant l’État-providence. La réponse du gouvernement de R.B.Bennett fut la répression, allant jusqu’à l’interdiction du PCC et la mise sur pied de camps de travail, véritables camps de concentration, dans lesquels étaient parqués les chômeurs célibataires. En 1935, les militants du Parti organisèrent la révolte des chômeurs des camps qui entreprirent un pèlerinage vers Ottawa pour réclamer la mise sur pied de l’assurance-chômage. Cela fut sauvagement réprimé par la GRC. Mais l’ampleur du mouvement força le gouvernement à proposer à la fin de son mandat une série de projets de loi qui fut désignée à l’époque du nom de « New Deal à Bennett ». Entre autres, Bennett proposait la mise sur pied d’un programme national d’assurance-chômage et l’établissement de la journée de travail de huit heures.

Mais ce furent les Libéraux qui furent élus sur la base des mêmes promesses. Dès qu’il fut élu, le Premier ministre Mackenzie King soumit les projets de lois de Bennett à la Cour Suprême pour en vérifier la validité. Sans surprise pour personne, la Cour déclara que ces projets contreviendraient à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique en empiétant dans les champs de compétence provinciale et les projets de lois furent laissés sur les tablettes.

En 1938, Mackenzie King mis sur pied une importante « commission royale sur les relations entre le Dominion et les provinces », appelée « Commission Rowell-Sirois ». Le seul parti politique à y soumettre un mémoire comportant une analyse détaillée des sources de la crise économique et un programme complet de réforme constitutionnelle fut le Parti communiste du Canada. Le Parti proposa en particulier que le gouvernement fédéral mette sur pied et/ou devienne pleinement responsable des programmes suivants: un programme d’assurance-chômage; un programme d’assurance-maladie; un régime d’assurance pour les producteurs agricoles; des standards minimaux d’éducation; l’habitation; les allocations familiales; les pensions de vieillesse et l’aide à la jeunesse. Il proposa en plus que le gouvernement fédéral assume le contrôle de toute la législation du Travail et recommandait de légiférer immédiatement sur les questions suivantes: la durée du travail; le salaire minimum pour les femmes et les jeunes; des normes minimales de travail et le renforcement des lois pour l’accès à la syndicalisation. De plus le parti réclamait que le gouvernement fédéral légifère pour le contrôle des monopoles et pour l’établissement de prix minimaux pour les produits agricoles. Il faut souligner que bien qu’il demandait une centralisation des pouvoirs à Ottawa pour l‘établissement d‘une législation sociale répondant aux besoins de la population travailleuse, le PCC n’en revendiquait pas moins le plein droit à l’autodétermination pour le Canada français et était le seul parti au Canada à le faire à cette époque.

La commission fit donc un rapport dans lequel elle reprenait à son compte plusieurs des recommandations du Parti communiste. Mais Maurice Duplessis, appuyé par les premiers ministres de l’Ontario et de la Colombie Britannique, s’opposa farouchement au rapport, invoquant évidemment l’autonomie provinciale et les pouvoirs conférés aux provinces par l’AANB. Pour gagner la population du Québec à ses politiques, Duplessis prétendait que les garanties de l’AANB étaient un rempart pour la sauvegarde de sa langue, sa culture française et la religion catholique, et que l’amender pour permettre des politiques sociales développées et équitables à travers tout le pays menacerait la nation.

Cependant l’opposition de Duplessis n’avait pas que des motifs constitutionnels, loin de là. La véritable source de son opposition se retrouvait dans… « la volonté d’intérêts réactionnaires de maintenir le niveau des services sociaux, des salaires et de l’éducation publique au Québec plus bas que dans les autres provinces industrialisées, en limitant la juridiction de ces questions exclusivement aux gouvernements provinciaux ». (Ma traduction, ndlr., Tim Buck, « Our fight for Canada, selected writings (1923-1959) », Progress books, 1959, p.301)

Durant la guerre, Duplessis fut remplacé par le gouvernement libéral de Godbout qui débuta certaines réformes progressistes, comme le droit de vote pour les femmes et la mise sur pied d’Hydro-Québec. Mais Duplessis reprit le pouvoir après la guerre et tant qu’il fut au pouvoir, il bloqua au nom de l’autonomie provinciale la modernisation de la province qui prit un retard considérable sur le reste du Canada.

Après la mort de Duplessis, la mise en place accélérée de l’État-providence fut appelée la «Révolution tranquille». La bourgeoisie québécoise se rendait bien compte que le retard qu’avait imposé Duplessis à la province se retournait contre elle-même. Par exemple, ce n’est pas un hasard si l’une des réformes sociales les plus importantes de la Révolution tranquille fut la réforme de l’Éducation. Le Québec avait un problème important de formation de main d’œuvre. Cependant, la modernisation ne consistait pas qu’à créer des services publics, mais à prendre aussi et surtout le contrôle de leviers économiques importants pour favoriser le développement de la bourgeoisie québécoise. La nationalisation de l’électricité en est un exemple:
« On se rend compte que la structure industrielle du Québec ne répond pas aux critères de l’économie nord-américaine. La bourgeoisie canadienne française prend donc soudainement conscience de sa faiblesse. …
Bien sûr, la bourgeoisie canadienne-française craint l’intervention de l’État; n’ayant aucun autre choix, les capitalistes québécois «éclairés» acceptent cette intervention d’autant plus qu’ils estiment posséder un contrôle suffisant sur les politiciens et l’État. » (Marcel Pepin, «Ne comptons que sur nos propres moyens», 6 octobre 1971)

Mais la mise en place de cet État interventionniste allait exacerber plus que jamais la question du conflit entre les pouvoirs fédéraux et provinciaux:
«…les droits accordés officiellement par l’Acte de l’Amérique du nord britannique au peuple canadien-français, dans le but d’assurer sa survivance et sa protection, ont sans cesse été violés, et continuent de l’être, par le gouvernement fédéral, à Ottawa. La logique et le droit permettent donc aujourd’hui d’affirmer que le pacte confédératif, par ses origines et par le cours de l’histoire, est nul et périmé.
En outre, la centralisation fédérale, réalisée à un rythme croissant, qui tend à transformer le régime confédératif en celui d’un État-nation unitaire, compromet non seulement l’épanouissement mais aussi l’existence même de la nation canadienne-française déjà gravement menacée par son isolement culturel et social et par l’influence angle-américaine.»
(Manifeste du RIN, octobre 1960)

Mais il n’y a pas qu’au RIN où on proteste contre les violations fédérales de l’AANB. Ainsi en 1966, l’Union nationale reprend le pouvoir. Le Premier Ministre Daniel Johnson lors d’une conférence fédérale-provinciale la même année sur les programmes conjoints, adopte une position radicale, réclamant la reconnaissance du Québec comme nation dans une nouvelle constitution, ainsi que le rapatriement de tous les impôts au Québec. René Lévesque dans son autobiographie rapporte ainsi les propos tenu par Johnson:
« Johnson esquissait rapidement sa position sur les programmes conjoints, qui sont établis par Ottawa mais financés par les deux gouvernements. Il les décrivait comme un fouillis de plus en plus tracassier et, pour le Québec singulièrement, un obstacle permanent au libre choix de ses priorités et une réduction forcée de son autonomie budgétaire.» (René Lévesque, «Attendez que je me rappelle», Éditions Québec/Amérique, 1986, p.284)

Le Parti Québécois reprend plus tard essentiellement la même analyse:
« Malgré bien des vicissitudes depuis la défaite de 1760, le Québec progresse. …l’utilisation par le gouvernement fédéral des pouvoirs résiduaires et du pouvoir de dépenser a fait en sorte que le partage des pouvoirs prévus en 1867 ne correspond plus à la réalité.
Qu’il s’agisse, entre autres de la sécurité du revenu, du développement économique régional, de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique ou du développement technologique, une constatation s’impose: le Québec est mal servi à cause de l’incapacité chronique où se trouvent les deux niveaux de gouvernement de s’entendre et d’harmoniser leurs interventions.
Cette incompatibilité est irréductible, irréversible. Elle oppose deux nations, la nation québécoise et la nation canadienne, chacune à la recherche d’un État autonome et puissant, capable d’orienter le progrès de leur société.»
(Programme du Parti québécois, édition 1994, chapitre 1)

Il est intéressant de remarquer que dans le cas du RIN comme du PQ, que ce n’est pas l’AANB qui est contesté. Au contraire, il est admis qu’il visait à protéger la nation et que même il permit au Québec de progresser (de leur point de vue, ce qui les intéresse, c’est surtout le progrès de la bourgeoisie québécoise). D’autre part, il est admis que c’est l’intrusion fédérale (qu’ils considèrent compréhensible du point de vue de la bourgeoisie canadienne anglaise, d’où leur conclusion que le fédéralisme canadien a fait son temps parce que les intérêts des deux bourgeoisies sont inconciliables, incompatibles) via son pouvoir de dépenser dans des champs de compétence réservés à l’autonomie provinciale qui est la source du litige. À noter que les dossiers litigieux mentionnés sont tous à caractère économiques et que par ailleurs, les questions de la langue ou de la culture elles ne sont même pas mentionnées.

Le mouvement indépendantiste s’est donc développé au Québec surtout à la faveur de la révolution tranquille. Retrouvant des adeptes surtout au sein de la petite bourgeoisie au départ (le RIN), il reste un mouvement relativement marginal. Mais, il finit par conquérir aussi des adeptes au sein de la bourgeoisie elle-même ( les Parizeau, Pierre Péladeau, par exemple) et évidemment de politiciens comme le Premier Ministre Daniel Johnson, René Lévesque et même Robert Bourassa (Dans son autobiographie citée plus haut, Lévesque explique que c’est dans le sous-sol de Bourassa que fut élaborée la proposition de souveraineté-association qui sera soumise au congrès du parti libéral et dont le rejet le convaincra de quitter ses rangs. Bourassa lui, quitta le groupe de Lévesque juste avant le congrès). C’est le ralliement de ces éléments de la bourgeoisie qui fit vraiment prendre de l’importance au mouvement indépendantiste.

Cela en acheva la configuration que nous avons connue ensuite, c’est-à-dire la mise sur pied du Parti Québécois, conçu comme un front uni multi-classiste et national large, et ayant pour mission première la réalisation de l’indépendance. Évidemment pour ne pas rompre ce front uni, il fut nécessaire de l’établir sur la base de préserver le statu quo social, ce qui par conséquent le place nécessairement sur la base des intérêts de la bourgeoisie. Dans ce contexte, la gauche réformiste a longtemps considéré, et c’est toujours le cas pour une grande partie de cette gauche, qu’une stratégie par étape était nécessaire, consistant à reporter les transformations sociales progressistes après l’acquisition de la souveraineté. Le mouvement indépendantiste est donc en réalité un mouvement essentiellement bourgeois, qui a pris le contrôle de la résistance à l’oppression nationale du peuple pour se donner une base populaire. Mais le mouvement du peuple québécois luttant contre l’oppression nationale et le mouvement indépendantiste sont deux choses distinctes en réalité. Le fait que les deux se confondent jusqu’à présent vient du fait que le premier a toujours été sous la direction politique de la bourgeoisie qui lui a imprégné son orientation.

Cette situation historique d’une autonomie suffisamment importante au sein du fédéralisme canadien pour permettre le développement d’une bourgeoisie québécoise relativement forte, se sentant capable de voler de ses propres ailes et dominant le mouvement indépendantiste, explique aussi le fait que ce mouvement emprunte une voie très réformiste. En effet, la bourgeoisie craint la mobilisation populaire à l’exception de mobilisations sous son contrôle sur des questions purement nationalistes, par exemple comme ce fut le cas contre l’accord du Lac Meech durant les années 80. Toujours dans son autobiographie citée plus haut, Lévesque explique comment et pourquoi, influencé par la déclaration de Johnson lors de la conférence sur les programmes conjoints de 1966, il se convainquit de l’idée de souveraineté-association:
« Plus j’y pensais, plus ça m’apparaissait comme un projet logique et facile à articuler. À la simplicité des lignes maîtresses s’ajoutait cet autre avantage paradoxal: loin d’être révolutionnaire, l’idée était presque banale. Ça et là de par le monde, elle avait servi à rafraîchir des peuples, qui, tout en tenant à demeurer maître chez soi, avaient trouvé bon de s’associer de diverses façons. Association, donc, concept qui figurait depuis longtemps dans notre propre vocabulaire et qui ferait avec souveraineté un mariage assez euphonique, alors qu’«indépendance-association» serait comme du mauvais Racine, sans l’effet poétique de «ces serpents qui sifflent sur nos têtes»… Surtout, et plus sérieusement, l’indépendance s’était tellement promenée dans la rue avec le RIN, acquérant de manif en manif un caractère absolu, durci comme s’il pouvait s’agir d’une fin en soi, que son nom n’était plus, hélas, qu’un appel à la matraque!» (Je souligne, ndlr) (René Lévesque, «Attendez que je me rappelle», Éditions Québec/Amérique, 1986, pp.287-288)

La nature pro-impérialiste du projet péquiste

Un élément extrêmement important à considérer dans la question nationale du Québec est son impact dans les relations du Québec et du Canada avec l’impérialisme américain, qui rappelons-le, est la superpuissance impérialiste la plus belliqueuse et la plus dangereuse dans le monde, le principal pilier de la réaction internationale.

C’est un fait historique bien établi que l’impérialisme américain a toujours eu des vues sur le Canada. Après avoir tenté de l’envahir à quelques occasions, l’impérialisme américain a pu pénétrer l’économie canadienne en prenant le relais de la domination britannique, particulièrement à la faveur de la deuxième guerre mondiale et des efforts de reconstruction de l’Europe auxquels la bourgeoisie canadienne tenait à s’associer. Cette pénétration est à tel point que cette situation est sans précédent dans le monde. Un autre fait historique bien établi est que la bourgeoisie canadienne a mis sur pied la Confédération canadienne pour empêcher justement l’intégration complète du Canada aux Etats-Unis. « Les visées expansionnistes américaines aiguillonnèrent le mouvement vers l’union des colonies britanniques. La menace d’une collusion militaire hantait les dirigeants du Canada et des Maritimes ; elle décida enfin les autorités impériales à accepter le projet d’une fédération coloniale. » (S.B. Ryerson, «Capitalisme et confédération», Édition Parti-pris, 1978, p 259)

En soi, la séparation du Québec menace d’affaiblir la résistance des peuples du Canada à la domination de l’impérialisme américain: « …Un Canada divisé ne serait pas dans le meilleur intérêt des deux nations. Un Canada divisé serait inévitablement grugé davantage ou même absorbé par l’impérialisme américain. Cela n’avancerait pas les intérêts des travailleurs et la lutte pour le socialisme. Au contraire, cela les ferait reculer de bien des années. » (William Kashtan, …, Pour l’autodétermination du Québec, plaidoyer marxiste, Éditions Nouvelles Frontières, 1978, p. 23)

Mais cette menace est cependant lourdement aggravée quant c’est la politique délibérée du parti qui dirige le mouvement séparatiste de s’inféoder davantage à la domination américaine. Ainsi, dans un interview publié dans La Presse du 25 janvier 1977, Bernard Landry répondait ce qui suit à une question du journaliste: « QUESTION: Est-ce les américains voient en vous un moyen de briser cette espèce de résistance qu’ils rencontrent dans leur désir d’expansion vers le Nord? - RÉPONSE DE BERNARD LANDRY: C’est peut-être simplement une attitude de diviser pour régner. Ils pensent que ce sera plus facile pour eux quand nous serons deux au lieu d’un. Il y a un peu de cela. Les Américains, quand ils nous rencontrent, le sous-entendent. »

Cette menace est loin d’être un épouvantail. Ainsi par exemple pensait Marcel Pepin, certainement l’un des plus grands dirigeants syndicaux du Québec contemporain, parlant de l’illusion que sèment les tenants de la thèse d‘un Québec capitaliste indépendant à l’effet qu’il est possible de civiliser le capital étranger:
« La libération économique du Québec, il faut la chercher ailleurs que dans le capitalisme. Car un capitalisme québécois, qu’il soit privé ou d’État, ne pourrait pas faire autre chose que de se soumettre aux volontés du géant américain. Cherchons un autre terrain pour neutraliser le géant. » (Marcel Pepin, «Ne comptons que sur nos propres moyens», 6 octobre 1971)

En fait, la bourgeoisie au Québec est partagée en deux quant au meilleur moyen de promouvoir ses intérêts. La section dominante veut préserver et développer ses acquis en défendant un fédéralisme décentralisé, voire asymétrique pour le Québec, et en luttant contre les velléités centralisatrices du gouvernement fédéral en défendant les pouvoirs que leur accorde l’AANB. Grosso modo, le PLQ et l’ADQ représentent ces intérêts. Cependant, lorsqu’il est au pouvoir et agit à titre de « bon gouvernement » ou lorsqu’il exerce le rôle d’opposition, le PQ a tout à fait la même politique.

Par ailleurs, le PQ représente particulièrement les intérêts des PME, «contrôlées en très grand nombre par des Québécois» (Bâtir le Québec énoncé de politique économique du gouvernement péquiste, 1979.), qui n’en sont pas nécessairement arrivées au stade de l’exportation des capitaux et qui prévoient leur développement plutôt à travers l’exportation de leur production en espérant occuper des marchés, se faire une niche, dans le cadre d’une économie plus intégrée avec les Etats-Unis. Cette section de la bourgeoisie se considérait mal servie par les politiques fédérales qu’elle trouvait trop protectionnistes, particulièrement à l’époque de P.E. Trudeau:
« Somme toute, même si la politique nationale (c.a.d. fédérale, n.d.l.r.) a bénéficié au Québec au tout début du siècle, elle a ultérieurement eu pour effet de centraliser le développement industriel en Ontario. Cette politique a, en outre, rendu l’industrie secondaire québécoise peu efficace, fragile et peu innovatrice». ( Bâtir le Québec,…)

Précurseur du libre-échange, le PQ souhaitait vivement que dans la foulée des accords du GATT signés à Genève en avril 1979, le Canada et les Etats-Unis finissent par créer une zone nord-américaine de libre échange. Le PQ y prévoyait des gains importants pour l’exportation pour l’industrie de la machinerie, des moteurs et des pièces d’aéronefs, les produits de l’amiante ouvrée, les lingots et les produits de l’aluminium, certains produits du papier, certaines boissons alcooliques et des produits alimentaires tels que les pâtes et les biscuits:
« L’économie québécoise est très dépendante du commerce international et son développement repose largement sur ses capacités d’exporter. Le gouvernement du Québec attache donc énormément d’importance à la spécialisation et à la compétitivité des entreprises. Le Québec appuie une libéralisation plus grande des échanges dans certains secteurs déjà concurrentiels mais ces réductions (des contrôles, n.d.r.l.) doivent se faire graduellement et de façon ordonnée.» ( Bâtir le Québec, …).

Conséquent avec cette orientation d’intégration avec les USA, le PQ envisageait même en 1979 de favoriser la sous-traitance: « Le gouvernement envisage sérieusement l’implantation dans la région de Montréal d’une bourse de sous-traitance, c’est-à-dire d’un intermédiaire pouvant mettre en relation les entreprises «passeurs d’ordres» et les PME québécoises.» (Bâtir le Québec,…). Le PQ proposait aussi par voie de conséquence dans cet énoncé de politiques économiques dès 1979 d’adopter tous les credo néo-libéraux: maintien d’un salaire minimum bas afin de maintenir la capacité concurrentielle des entreprises, déréglementation et abolition des contrôles, notamment du transport routier pour laisser jouer les mécanismes du marché dans la fixation des taux et des tarifs, compressions budgétaires dans les hôpitaux, gel des effectifs de tous les ministères, gel des dépenses des commissions scolaires, et politique salariale pour employés de l’État visant à ramener la rémunération au niveau du secteur privé ( ce sont les diminutions salariales de 1982 annoncées), etc.

On sait que par la suite, le PQ a appuyé directement les conservateurs de Brian Mulroney et cet appui a été déterminant pour qu’ils puissent prendre le pouvoir durant les années 80. Or, la pièce maîtresse du programme conservateur, très à droite, était la réalisation de l’accord de libre-échange auquel s’opposaient les libéraux fédéraux. Plus qu’un appui électoral, les Jacques Parizeau, Bernard Landry, et autres ténors péquistes ont fait campagne en faveur de l’ALENA. Encore aujourd’hui, les ténors du PQ par exemple plaident pour une intégration monétaire et l’adoption du dollar américain: après Landry, le dernier en lice est nul autre que Gérald Larose, l’ancien président de la CSN.

Ceci, d’ailleurs ne doit nous laisser aucune illusion sur le sort que le PQ réserve au peuple travailleur: en effet, le fait que le dollar canadien ait une valeur inférieure au dollar américain favorise les exportations québécoises aux USA. Cependant, la bourgeoisie s’inquiète actuellement du fait que le dollar américain soit en baisse par rapport aux autres monnaies, dont le dollar canadien. Le PQ réprouve la politique fédérale de maintenir le dollar canadien plutôt que de le laisser chuter avec le dollar américain. Du point de vue des péquistes, tant qu’à subir l’instabilité des fluctuations entre les deux monnaies (surtout si cela fait augmenter la valeur relative du dollar canadien) et les conséquences que cela a sur leurs exportations (les fermetures dans l‘industrie du textile à Huntingdon en est un exemple), ils préfèreraient adopter directement le dollar américain. Évidemment, la bourgeoisie perdrait alors un avantage concurrentiel qu’elle ne pourrait compenser autrement que par une réduction globale des coûts de production, notamment en réduisant les salaires et les dépenses reliées aux services publics et à la sécurité sociale en général.

Bref, un Québec souverain sous la houlette du PQ, risque fort d’adapter toutes ses politiques selon le modèle des États-Unis. Il est clair que le PQ souhaite utiliser les pouvoirs que lui conférerait la souveraineté politique du Québec afin de favoriser une plus grande intégration économique avec les USA. Dans un certain sens, le PQ est très certainement séparatiste parce qu’au sein du Canada il ne dispose pas de toute la marge de manœuvre qu’il voudrait, mais cette souveraineté formelle serait utiliser pour abdiquer aussitôt de la véritable souveraineté en soumettant davantage le Québec à la domination de l’impérialisme américain. La souveraineté politique n’est donc pour le PQ aussi qu’un moyen (le meilleur), celui de réaliser son véritable programme néo-libéral, pro-américain et pro-mondialisation. Dans ce sens son projet est réactionnaire parce qu’il contribuerait au renforcement de la plus grande puissance impérialiste dans le monde et la plus belliqueuse. Il est par conséquent opposé à l’intérêt général de la classe ouvrière et des peuples opprimés dans le monde.
La peur d’être marginalisé

Lorsque les communistes entreprennent leur œuvre révolutionnaire et qu’ils élaborent leur ligne stratégique, ils adoptent des positions parce qu’elles sont des nécessités objectives pour la révolution socialiste. Par exemple, l’unité de la classe ouvrière au Canada est une nécessité absolue pour la révolution, bien que cette unité soit plutôt faible présentement. C’est la triste réalité qu’il faut renverser. Cette réalité existe du fait de la domination de la bourgeoisie sur notre société. L’unité de la classe ouvrière que les communistes défendent n’est pas une unité purement sentimentale et humaniste contre l’injustice: elle est une réalité dynamique révolutionnaire qui se développe en même temps que les facteurs de révolution. La faiblesse actuelle de l’unité témoigne du fait que nous ne sommes pas encore dans une situation révolutionnaire.

Ainsi, si jamais le Parti communiste se convainquait que l’indépendance du Québec est d’une absolue nécessité pour la révolution, il la mettrait de l’avant même si elle était impopulaire et contribuerait à l’isoler au départ. L’objectif est de changer les choses.

Or, le principal argument de Parizeau et de ses partisans pour adopter le mot d’ordre de souveraineté est qu’il est populaire chez les couches militantes des syndicats et des mouvements auprès desquels nous voulons travailler et que nous devons éviter de confronter leur position de peur d’être marginalisés. Ce qu’ils appellent «gauchisme» est le fait d’adopter une position de principe. Eux se proclament «pragmatiques». L’objectif est de s’adapter aux choses établies.

Le problème est que lorsqu’on adopte ce genre de raisonnement, on ne saurait prédire où ça va s‘arrêter. Par exemple, le fait de se proclamer « communistes » aujourd’hui au Québec contribue bien davantage à se faire marginaliser que le fait de n’être pas favorable à l’indépendance du Québec: devrons-nous par conséquent changer de nom?

Contrairement à ce que Parizeau et ses partisans laissent croire dans leurs textes, la classe ouvrière au Québec n’est pas majoritairement souverainiste. Par exemple, lors d’un référendum interne organisé par la CSN en 1995, seulement un peu plus de 30% des membres de la FAS (FSSS aujourd’hui) se prononcèrent en faveur de la souveraineté du Québec. En fait, la classe ouvrière se partage généralement comme l’est la population de façon générale dans les sondages : aux environs de 20% des gens appuient une indépendance pure et dure, et environ 40% si on parle d’une souveraineté qui maintiendrait une relation quelconque avec le Canada.

Il est vrai par contre que chez les militants syndicaux et dans les appareils syndicaux, nous retrouvons probablement une majorité de souverainistes. Le nationalisme au Québec est en quelques sorte la forme particulière que prend le réformisme dans le mouvement syndical. Il permet à la bourgeoisie et à ses agents au sein du mouvement ouvrier de pouvoir évacuer l’idée d’une organisation politique autonome de la classe ouvrière qui, même si elle devait être réformiste, implique néanmoins une volonté d’enlever le pouvoir à la bourgeoisie. Le nationalisme au contraire induit une forte tendance à la collaboration de classe.

Si, de nos jours, il y a une très nette remontée des luttes sous le gouvernement Charest, il faut se souvenir jusqu’à quelles extrémités nous avaient conduit la collaboration de classe sous la gouverne du PQ de 1994 à 2003. Les reculs imposés par la bourgeoisie et le PQ aux travailleurs et travailleuses les indignaient moins que la trahison claire et systématique de leurs propres dirigeants qui collaboraient.

Écoeurés par cette collaboration, les délégués de la FAS-CSN adoptèrent au milieu des années 1990, une résolution pour retirer leur appui à la souveraineté, au grand dam de ses dirigeants. En 1998, les délégués du conseil confédéral à leur tour retirèrent la CSN d’une coalition contrôlée par le PQ nommée Partenaires pour la souveraineté. La CSQ avait déjà retiré son appui ainsi que la coalition populaire Solidarité populaire Québec. Cette décision du conseil confédéral de la CSN entraîna la démission de Pierre Paquette de l’exécutif de la centrale syndicale. Il rejoignit le Bloc québécois peu de temps après. Ensuite, Gérald Larose le président annonça qu’il ne solliciterait pas un nouveau mandat. Parmi ceux qui avait piloté cette résolution, il y avait le conseil central de Montréal qui remettait en cause de plus en plus l’appui « inconditionnel » à la souveraineté et posait de plus en plus clairement la nécessité d’une alternative politique. (L’appui de la CSN et du CCMM-CSN à la souveraineté avait toujours été « accessoire et conditionnel » à la réalisation d’une société progressiste. Ce n’est qu’au congrès de 1990 qu’il devint « inconditionnel » et la souveraineté une fin en soi, sous la poussée de Gérald Larose. Ndlr.) Dans son document d’analyse, le conseil central écrivait ceci:
« À vrai dire l’intérêt pour la question nationale s’effrite à la mesure des orientations néolibérales du gouvernement Bouchard …Les récents sondages sur la question nationale sont à cet effet révélateurs. Dans son propre château-fort qu’est le Saguenay-Lac-St-Jean, l’option souverainiste est en chute libre. Un autre sondage démontre que 73% de la population est actuellement favorable à la création d’un parti de gauche au Québec. »

Or c’est précisément à cette époque et dans ce contexte que le PCQ, le PDS et le RAP ont commencé le processus qui devait finalement nous conduire à la création de l’UFP.

En réalité, que nous démontre l’analyse des faits que je viens d’exposer? - Il en ressort que la progression d’une alternative politique capable de supplanter le PQ est en réalité inversement proportionnelle à la popularité de l’option souverainiste. Et la raison bien simple est que si les masses décident de réaliser la souveraineté, elles vont prendre les moyens d’arriver à leur fins en appuyant le parti le plus capable de réaliser la souveraineté, soit le PQ. Appuyer une alternative de gauche actuellement, même souverainiste, implique nécessairement de rompre le front uni pour poursuivre prioritairement d’autres objectifs que la souveraineté, notamment le progrès social. C’est d’ailleurs-là l’analyse de fond de SPQ-libres qui, considérant qu’il est absolument nécessaire de réaliser la souveraineté, refusent de briser le front nécessaire pour atteindre leur objectif. Donc, rompre avec le PQ, c’est aussi rompre avec la souveraineté à court terme. André Parizeau comprenait très bien cela en 1998. C’est pour cela qu’il écrivait en éditorial du no. 34 de La nouvelle Forge:
« Puisque le PQ est un parti bourgeois, qui promouvoit le néolibéralisme, il ne saurait être question de continuer à être lié à lui. Dans les circonstances présentes, appuyer le projet d’indépendance revient à se tirer dans le pied. Nous ne pouvons dissocier le projet et celui qui en est le principal porte-étendard et le seul véritable maître du jeu. Appuyer aujourd’hui ce projet reviendrait inévitablement à accepter de mettre de côté nos revendications sociales.

Soyons clairs! Au congrès de l’UFP, le PCQ a proposé un compromis qui lui faisait admettre la position souverainiste de l’UFP parce que tel était le point de vue de la majorité. Mais nous n’en considérions pas moins que la position qu’adoptait alors l’UFP sur la question de la souveraineté était une faiblesse. Dans la mesure où l’UFP conçoit la souveraineté politique comme instrumentale et accessoire à la réalisation de son programme de progrès social, le danger reste minime. Mais dans la mesure où elle conçoit la souveraineté comme un objectif en soi, une partie de son programme que pourrait réaliser le PQ, l’UFP devra se mettre en position de collaboration avec les forces de la bourgeoisie pour réaliser leur souveraineté (néolibérale, impérialiste etc.). Ce sera une erreur grave car ce que projette l’UFP n’est pas ce que projette le PQ. Les deux projets portent peut-être le même nom mais ne devraient pas avoir le même contenu. Notamment, la souveraineté et le projet de société que veut réaliser l’UFP vont exiger l’unité de la classe ouvrière canadienne. Mais il exige aussi de mettre aux poubelles le projet de souveraineté du PQ et de ne pas s’y associer. Et cela donne toute la pertinence de la position de PCQ au sein de l’UFP.

Comment disputer la direction du mouvement national québécois au PQ?

Comme j’ai tenté de l’expliquer plus haut, le mouvement indépendantiste est sur le plan politique une coalition gauche-droite nationaliste, qui tente d’instaurer une collaboration de classe entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, en incluant en passant la petite-bourgeoisie. Cette coalition ne s’était faite à l’insu de personne. Au départ, le Mouvement souveraineté-association de René Lévesque, issu du Parti Libéral du Québec fut rejoint par le Rassemblement National dirigé par Gilles Grégoire, qui regroupait des nationalistes de droite. Le RIN, nationaliste plus radical s’était délibérément dissous à la faveur du MSA pour former le Parti Québécois.

La gauche durant les années 60 et au début des années 70 se questionnait beaucoup à propos d’une alternative politique de gauche aux partis de la bourgeoisie. Diverses tentatives, comme le Parti socialiste de Québec, furent mise en train brièvement. La FTQ de son côté avait résolu en congrès d’appuyer formellement le NPD. Mais, cette volonté de construire un parti de la classe ouvrière était toujours confronté à un courant prônant d’abord le nationalisme et l’indépendance.

Ainsi la FTQ finit par modifier sa position en 1974 en faveur du PQ. Ce courant péquiste au sein des syndicats était dirigé par des gens comme Jean Gérin–Lajoie, directeur québécois des Métallos, Robert Dean chez les TUA-UAW (avant qu’ils ne deviennent les TCA), les Francine Lalonde et Michel Bourdon par exemple à la CSN.

A l’extrême gauche aussi, ce clivage se faisait. Alors que Charles Gagnon, ancien dirigeant du FLQ, écrivait « Pour le Parti prolétarien », contribuant à la naissance du mouvement marxiste-léniniste au Québec, d’autres comme son compagnon d’arme, Pierre Valière, écrivait une brochure qui s’appelait « Urgence de choisir », et qui recommandait de se ranger derrière le PQ pour réaliser dans une première étape l’indépendance avant toute autre transformation sociale.

Bref, ce que je veux dire, c’est que du moins jusqu’au début des années 80, la souveraineté du Québec et le projet d’un parti autonome des travailleurs et des travailleuses étaient clairement en opposition antagonique, pour la simple raison que la réalisation du projet de souveraineté exige la collaboration de toutes les classes du Québec tandis que la constitution d’une alternative de gauche implique une lutte antagonique entre les deux principales classes devant composer ce front uni national: la lutte entre la bourgeoisie québécoise et la classe ouvrière du Québec . De façon générale, les forces nationalistes de gauche admettaient que la classe ouvrière puisse se limiter à mener une lutte purement trade-unioniste contre le patronat, mais n’admettait pas à cette étape qu’elle porte sa lutte directement sur le plan politique. Cela ne serait permis qu’après l’acquisition de la souveraineté, front-uni oblige.

Au début des années 80, et surtout après que le PQ réduisit les salaires des employés des secteurs public et parapublics de 20%, de plus en plus revint l’idée d’offrir une alternative au PQ et de rompre le front uni sous son contrôle. Ainsi assista-t-on à la naissance du Mouvement socialiste et du Regroupement pour le socialisme, tous deux souverainistes. Apparut aussi des forces nationalistes plus radicales tel que le Regroupement démocratique pour l’Indépendance et le Parti indépendantiste, critiques du « beau risque » du PQ au milieu des années 80, qui le conduisit alors dans la plus grave crise politique de son histoire. Il existait aussi des organisations trotskistes comme Gauche socialiste qui considéraient et considèrent toujours que la lutte pour souveraineté du Québec est ce qui engendrera la crise politique dont naîtra la révolution socialiste et qui appuient donc la souveraineté du Québec depuis le début des années 1970.

Or, bien que toutes ces organisations se déclaraient toutes souverainistes (et même plus que le PQ surtout à l’époque du beau risque autonomiste), aucune ne sortit pourtant de la marginalité. En fait, à l’exception des trotskistes qui demeurèrent groupusculaires, toutes ces organisations finirent même par disparaître au profit du PQ qui fut réélu en 1994 sous la promesse de gouverner autrement que durant les deux précédents mandats libéraux (On sait aujourd’hui que le PQ avait complètement menti). Le PQ obtint même alors environ 44% des votes, soit le plus gros score de son histoire.

On sait ce qui s’est passé ensuite: comme la première fois, le PQ a subit une défaite référendaire et s’est complètement discrédité après deux mandats. La gauche réformiste, comme dans les années 1980, a recommencé à penser de créer une alternative au PQ, souverainiste mais résolument campée à gauche. La chose n’est pas nouvelle, c’est une deuxième édition.

Est-ce que cela va finir par aboutir au même résultat? Espérons que non. Ce qui est certain, c’est qu’après un seul mandat des libéraux de Jean Charest, on peut imaginer que la pression sera extrêmement forte, notamment dans les syndicats et les organisations populaires, pour réélire le PQ aux prochaines élections. L’UFP ou la nouvelle organisation issue de la fusion avec Option citoyenne sera donc interpellée à deux titres:
1. Comment présenter la nouvelle alternative dans le contexte de notre mode de scrutin sans contribuer à faire réélire les Libéraux, ce que ne pardonneraient jamais à l’« alternative » les organisations syndicales et populaires qui auront pris la rue comme jamais dans l’Histoire pour se « libérer des Libéraux » ?
2. Dans la mesure ou l’alternative considérait qu’elle partage le même projet d’indépendance que le PQ, comment résister à l’appel du front uni national pour la souveraineté étant entendu qu’il ne pourra y avoir de référendum ou de démarche initiée pour la souveraineté sans qu’un parti souverainiste prenne le pouvoir?

Or on sait que le PQ n’aime pas partager le pouvoir et est pleinement conscient que le mode de scrutin actuel lui permet de forcer un front-uni ( une sorte de mariage forcé) à l’intérieur de ses propres rangs et interdit une entente entre des partis, sauf dans le cas rare et imprévisible d’un gouvernement minoritaire.

Au delà du mode de scrutin, il existe en politique une sorte de loi naturelle contre le gaspillage des forces qui fait en sorte que deux formations politiques ne peuvent occuper le même terrain politique très longtemps. Par exemple, les Progressistes-conservateurs partageaient les mêmes terrains que les Alliancistes d’un côté et les Libéraux de Paul Martin de plus en plus néo-libéraux de l’autre: ils ont dû disparaître. Tout le monde convient que l’UFP et Option-citoyenne ont l’obligation de s’entendre sous peine d’être condamnées à la marginalité.

C’est pour cette raison d’ailleurs que René Lévesques en vint à promouvoir la souveraineté. Dans ses mémoires, il rappelle que pendant que lui et ses confrères libéraux cherchaient une solution pour le programme libéral, Daniel Johnson en adoptant une position très radicale en 1966, lui avait en quelques sortes coupé l’herbe sous les pieds:
« Johnson nous mettait la dans un beau pétrin. Sa position allant pas mal plus loin que celle du parti libéral, ce dernier, à moins de s’en faire le perroquet, n’avait que l’alternative ou bien de rester en arrière ou bien de foncer plus avant. En arrière, pas question. Alors en avant. Oui, mais comment et jusqu’où ? Plus on en discutait et plus on tournait en rond.
(…)
Je me rappelais que la déclaration de Daniel Johnson l’automne précédent m’avait laissé sur une vague impression d’inachevé. Retrouvant le texte et les notes que j’avais griffonnées en marge, je me rendis compte en une soirée qu’à toute fins utiles mon inconscient avait terminé la réflexion. Johnson parlait de la reconnaissance d’une nation pour laquelle il exigeait un large éventail de compétences exclusives. Nous qui prétendions le précéder et non le suivre sur le chemin de l’émancipation, pourquoi diable n’irions-nous pas jusqu’au bout ? Jusqu’à la pleine souveraineté plutôt que cette demi-portion qui ne donnerait au mieux qu’une marge d’autonomie élargie…. » (René Lévesque, «Attendez que je me rappelle», Éditions Québec/Amérique, 1986, pp.285-287).

C’est aussi pour cette raison que les seules expériences de gauche qui, sans avoir eu le temps de se sortir de l’étape de la marginalité, ont quand même réussi en à peine sept ou huit années à faire émerger très sérieusement une opposition de gauche de plus en plus significative au Québec, particulièrement à travers les réseaux des syndicats et des groupes populaires furent les organisations se réclamant du marxisme-léninisme: le PCQ, En Lutte et le Parti communiste ouvrier. Ces trois organisations réunies, dont les principales activités n’étaient pas électorales, ont réussi à mobiliser plusieurs milliers de militants et militantes. En fait, la raison principale qui a fait qu’elles ne purent traduire cette force aussi sur le plan électoral était, entre autre, justement le fait qu’elles étaient divisées, et ce pour des motifs qui étaient tout à fait incompréhensible pour la masse des gens. Mais si ces organisations avaient été réunies en une seule, elles auraient mobiliser du simple fait de leur addition un nombre de militants et militantes comparable à ce qu’avait dans ses rangs le Parti communiste de Canada au Québec à l’époque ou il avait pris le nom de Parti ouvrier progressiste et avait réussi à faire élire Fred Rose comme député. Or, ce qu’il faut souligner fortement ici, est que ces trois organisations, tout en reconnaissant le droit à l’autodétermination du Québec, s’opposaient clairement à la séparation.

La position que défend le PCC -PCQ est tout à fait appropriée pour construire un véritable front uni multinational révolutionnaire, ayant pour objectif de véritablement régler les questions nationales et de mettre fin à l’oppression. Et nous sommes les seuls qui défendont une position aussi conséquente. Loin de nous isoler au sein de l’UFP, notre position contribue objectivement à la renforcer (Notamment du fait que notre présence témoigne que la seule base d’adhésion à l’UFP est le progrès social et que la souveraineté n’est qu’une position majoritaire, laissant ainsi ouverture au ralliement de tous les progressistes au Québec). Il faut simplement avoir le courage de la défendre.


Conclusion

Comme je l’ai dit en introduction, ce débat que nous faisons au PCQ vient du fait que son chef, André Parizeau, vient depuis peu de temps de changer d’idée sur la position que nous devrions avoir sur la question de l’indépendance du Québec.

Évidemment, tout le monde a le droit de changer d’idée. Mais André Parizeau n’est pas qu’un citoyen ordinaire. Il fut depuis près de trente ans quelqu’un qui a très activement combattu la souveraineté du Québec. Il a écrit pendant toutes ces années des dizaines de pages, voire des centaines pour combattre la souveraineté du Québec, qui ont été publiées à des milliers d’exemplaires et diffusées à des milliers de militants et militantes. Il a contribué à rallier et à convaincre de la position actuelle du PCC des dizaines de militants-es et probablement plusieurs des membres actuels du Parti.

Or, il ne s’agit pas seulement de nuances, mais d’un virage à 180 degrés. Tout au long de mon exposé, j’ai pris soin de citer quelques uns de ses textes pour illustrer l’ampleur du virage. La plupart des arguments qu’il invoque aujourd’hui pour expliquer sa position furent contredits par lui-même dans le passé. Pour la plupart il les considérait et les a qualifiés lui-même d’illogiques, d’insensés, voire d’extra-terrestres. C’était se tirer dans les pieds comme il aime dire.

Lorsque le PCO s’est dissous et que nous avons fondé le Groupe Libération, André fut l’un des principaux combattants contre les courants liquidateurs qui prônaient l’indépendance du Québec.

Lorsque nous fûmes membres du Groupe Action socialiste, qui est à l’origine du Parti communiste révolutionnaire, André à largement contribué à développer la position de ce parti sur la question nationale, qui évidemment est opposée à la souveraineté.

Je me dois de raconter ici une anecdote. Lui et moi étions deux des principaux dirigeants du GCO. Lorsque nous avons pris contact avec le PCC au début, lui et moi sommes allés rencontrer sa direction à Toronto. C’était au printemps 1997, il y a exactement huit ans. Nous avions alors rencontré trois camarades: Liz Rowley, Miguel Figueroa et Hassan Husseini. L’un des problèmes que les camarades voyaient à intégrer le GCO en tant que section du PCC au Québec était qu’ils reconnaissaient le PCQ qui était devenu souverainiste depuis 1994 comme ayant juridiction sur le territoire du Québec. Ils n’étaient pas d’accord avec le PCQ sur sa position souverainiste qu’ils considéraient nationaliste étroite, mais respectaient quand même son choix. André a alors combattu fermement cette position arguant que l’autonomie et le droit à l’autodétermination n’avait pas de sens au sein du parti communiste. Il a plaidé très fortement pour une application ferme du centralisme démocratique à travers tout le parti à la grandeur du pays et d’y avoir un seul parti reflétant l’unité de la classe ouvrière indispensable pour la révolution socialiste. C’est comme ça que le GCO avec la cellule Béloyannis a formé la section québécoise du PCC au début, au grand dam du PCQ.

Par la suite André a contribué à l’écriture de larges sections du programme actuel du Parti, particulièrement les chapitres concernant la question nationale.

Ainsi, en supposant qu’André eusse raison aujourd’hui, cela signifierait que son action pendant les trente dernières années aurait été non seulement une erreur magistrale, mais une grave nuisance contre la démocratie et contre le peuple québécois qu’il aurait alors contribué à maintenir dominé. Non seulement aurait-il gâché sa vie, mais il aurait contribué de façon relativement importante a gâché celle de tout le peuple.

Il me semble qu’il aurait alors été convenable au minimum qu’André Parizeau dans de telles circonstances fasse une sérieuse autocritique. Il aurait dû au minimum, expliquer en détail pourquoi et comment et en quoi il s’était trompé, prendre le temps de défaire ses propres arguments, prendre le temps de convaincre ceux et celles qui lui avaient été fidèles et qu’il avait entraînés dans l’erreur, réparer ses torts.

Ce n’est pas ce qu’il a choisi de faire. Il préfère prendre des moyens qu’on pourrait qualifier d’administratifs: rallier rapidement une majorité de votes en faveur de sa nouvelle position, durant la dernière année; organiser un congrès rapide pour forcer une prise de position pour essayer de mettre le Parti devant les faits accomplis; faire taire et expulser ceux qui ne sont pas d’accord et s’opposent trop fortement. Tout ça au nom de la démocratie.

Janvier 2005

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